Une silhouette frêle, petite, se tenait au sommet d'un arbre. Une silhouette qui paraissait presque blanche. Cette silhouette, c'est moi.
Je me tenais à la faîte de cet arbre, mes bras fins écartés comme pour accueillir la lune. L'astre dardait ses rayons sur ma peau d'une pâleur presque maladive, pourtant j'allais bien. Le vent soufflait doucement, s'enroulant autour de moi, faisant voler mes cheveux blancs comme la neige. Coupés un peu au hasard, ils caressaient ma nuque et chatouillaient mes tempes. Je souris, un sourire doux et mes lèvres fines découvrirent des dents blanches et ordonnées. J'ouvris les yeux, et fixai la lune. Sa lumière blafarde se reflétait dans mes iris rouges, bordés de longs cils noirs.
Inutile de le dissimuler, mes cheveux blancs, ma peau pâle comme la mort, mes yeux rouges ... C'est évident, n'est-ce pas ? Je suis albinos.
Hélas cette "particularité" n'a pas vraiment d'avantage ... Je ne pouvais sortir les jours de grand soleil dans quoi ma peau rougissait aussitôt et me brûlait pour les trois semaines à venir. Quant à mes yeux, ils étaient extrêmement sensibles à la lumière, trop sensibles. Mon torse était nu, finement musclé par mes longues cavalcades en forêt. Des flammes noires enveloppaient ma hanche, caressaient mon nombril et partaient se cacher au niveau de mon aine.
Les effluves de la nuit parvinrent jusqu'à mon nez. Mes sens, plus développés que la moyenne, captaient tout autour d'eux. Mes oreilles sensibles entendirent un renard passer à quelques mètres. Elles étaient percées de trois anneaux noirs et d'un petit écarteur. Une casquette et des lunettes d'aviateur couvraient ma tête. Les verres fumés de ces dernières me permettaient d'éviter d'être aveuglé les jours de grand soleil. Le cuir usé du chapeau cachait en partie mes cheveux blancs, les lanières d'attache tombant jusqu'au niveau de mon cou. Mais ce couvre-chef ne pouvait dissimuler mes cornes. Longues d'une vingtaine de centimètres, elles étaient d'un noir profond et légèrement mate.
Inutile de le dissimuler, mes sens développés, mes cornes ... C'est évident, n'est-ce pas ? Je suis un sang-mêlé. Un demi-Satyre.
Je fermai les yeux et commençai à chanter. Ma voix s'éleva dans la nuit noire, calme et envoûtante. J'étais là, j'étais bien.
Je suis Luvion Herish, demi-Satyre.
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Ils me disent impassible.
Je suis juste calme.
Ils me disent indifférent.
Je suis juste solitaire.
Ils me disent inconscient.
Je suis juste curieux.
Ils disent beaucoup de choses.
Ils ont tord pour tout.
Ils ne me connaissent pas.
Un jour, peut-être, quelqu'un voudra me connaître.
Là, j'attends. Depuis longtemps.
Tout ce que j'espère, c'est qu'ils ne me voient jamais en colère.
Parce que ma colère est aveugle. Destructrice.
Je suis Luvion.
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Amy m'a dit que la première fois qu'elle m'avait vu, moi nourrisson blanc et au front bosselé, elle m'avait aimé, adoré, choyé.
Amy est ma mère. C'est une sorcière qui a arrêté ses études très tôt par manque d'argent. Elle a accumulé les petits boulots pour subvenir à ses moyens. Et un soir, elle a rencontré mon père. Elle ne se souvient que peu de son visage, probablement à cause d'un sort. Elle se souvient d'avoir couché avec lui. Le lendemain, il avait disparu. Et neuf mois plus tard, j'étais là.
Son entourage, déjà peu conséquent, l'a délaissée et traînée dans la boue.
"Catin !"
"Tu aurais dû avorter !"
"Pourquoi n'as-tu pas tué ce monstre à sa naissance ?"
Le monstre, c'est moi. Quand elle a su qu'elle était enceinte, Amy n'a même pas songé à avorter, elle voulait une nouvelle présence dans sa vie et je suis arrivé.
Amy m'a élevé seule, trouvant quelques minutes pour moi entre ses différents boulots. Bien que je ne la voie pas beaucoup, je tiens énormément à elle et notre complicité est sans égale.
Parfois je sortais de notre appartement sous les toits pour marcher dehors. Le regard des gens sur moi était horrible, on m'insultait, on insultait ma mère. J'encaissais. Encore et toujours. Mais un jour j'ai explosé. Littéralement. Un flot de magie a jeté mes agresseurs au sol.
Deux jours plus tard, une lettre de Poudlard arrivait. Amy était ravie. Moi, horrifié. Je ne voulais pas laisser ma mère seule. Surtout pas ! Elle me rassura et me dit que je pourrais revenir pendant les vacances. Elle avait l'air tellement heureuse que je n'ai pas pu refuser. J'ai feint de ne pas voir qu'elle vendait ses derniers bijoux pour m'acheter des fournitures d'occasion. Seule la baguette était neuve, longue de 33,3 centimètres en bois de noisetier, elle était assez souple mais sa particularité résidait à l'intérieur, le fabricant y avait inséré un morceau d'une de mes cornes.
Et, finalement, j'y suis allé. J'avais alors onze ans.
Je suis actuellement en sixième année. Auparavant, je cachais ma différence à l'aide d'une potion. Mais cette année non, ma mère n'a plus les moyens pour me l'acheter. Tant pis.
Je suis Luv.
[Avec l'accord du Maître du Jeu pour le demi-Satyre et les sens surdéveloppés]