Près de la cheminée

[fin septembre]
Confortablement installée sur le tabouret accompagant le somptueux piano blanc, Dorea faisait bouger ses doigts, concentrée sur la mélodie. Étant quelqu'un d'assez manuel, elle appréciait beaucoup cet exercice et depuis toute petite avait atteint un niveau respectable en musique, tout en ayant encore des choses à apprendre, inutile de le nier. Il ne faisait pas encore trop froid dans le château en cette deuxième moitié de septembre, mais elle avait froid, quelque part à l'intérieur de son coeur, et être près du feu l'aidait à le supporter. 
Fredonnant doucement la version de Shakira de "Je l'aime à Mourir" (elle ne connaissait pas la version originale en français), elle s'accompagnait au piano, tout en prenant garde de ne pas déranger ses camarades. 
Quelqu'un vient se placer dos à elle, et bientôt elle fut accompagnée, en français cette fois. bien que surprise elle veilla à ne pas troubler le rythme pour prolonger ce moment de détente et d'apaisement. La musique l’apaisait...

Il etait tard , je ne parvenais pas a dormir ce premier vendredi soir de decembre . Pendant que mes petits camarades dormais déjà a poings fermes ,  mes pensees m’assaillaient les unes apres les autres . Difficile de se laisser aller dans les bras de Morphée dans ces conditions . J’etais en 5^eme annee deja , et malgre les promesses que j’avais faites a mon papa de me faire des amis , j’etais toujours aussi seule . Meme la , encore , dans la salle commune ou j’avais fini par me refugier , faute de dormir . On avait tellement peu l’habitude de m’entendre parler que certains ne m’adressaient meme plus la parole , me croyant sourde . Ou muette . Ou bien les deux . Et je devais bien avouer que je n’avais jamais rien fait pour leur faire comprendre le contraire … Et cette situation commencait a me peser un peu . Une fois n’était pas coutume, je m’etais recroquevillee dans un coin au sol, la tete basse , tout pres de la cheminee , laissant s’echapper quelques larmes . Au moins , ici , mes camarades de chambre ne m’entendraient pas .


(RP avec Marlène et Jack)

Je fonçais dans les couloirs, me dépêchant de rentrer. J'avais passé l'après-midi avec Merwin dans la salle de repos, et n'avais pas vu le temps passer. Mon frère adorait Poudlard et s'était bien intégré. J'étais hyper contente pour lui, et j'étais ravie de retrouver nos conversations décousues (d'une part à cause de notre habitude de passer du phénix au sombral, et d'autre part parce que nous parlions en franglais, passant d'une langue à l'autre n'importe quand et n'importe comment). Mon frère me manquait souvent avant, lorsque j'étais à Poudlard.
Je sortis de mes pensées pour répondre à l'énigme, et entrai dans la salle commune. Je m'apprêtais à monter les escaliers pour rejoindre mon dortoir quand je vis une fille près de la cheminée, en position fœtale. Je m'approchai doucement.

"Ca va ? Tu veux un bonbon ?"

J'avais ma boite en carton sous le bras, je les avais partagés avec mon frère, comme au bon vieux temps. Merlin, je parlais d'une manière atrocement nostalgique, n'importe quoi ! Je regardai la fille, que je connaissais de vue. Je ne savais quel était son nom, elle était très timide. Elle avait l'air sympa, j'espérais vraiment qu'elle n'allait pas trop mal. Je songeai avec ironie que décidément, je consolais tout le monde, ces temps-ci.

Mes larmes perturbaient le silence ambiant, j’en avais bien conscience , et c’était stupide de pleurer juste parce que ce que je me sentais seule , situation que j’avais moi-meme provoquee au fil des annees en m’isolant des autres , mais je ne pouvais pas m’en empecher . A un certain moment , on avait beau se controler , les nerfs finissaient par lacher et notre vraie nature reprenait le dessus a un moment ou un autre . Et c’était visiblement pour ce soir .
 
Je fus totalement surprise quand quelqu’un me proposa gentiment un bonbon apres m’avoir demande si ca allait . Je ne l’avais meme pas entendue arriver ! Rapidement , je sechais mes larmes d’un revers de main en reniflant au passage et me tendis . Je n’aimais pas etre aussi vulnerable , encore moins devant une inconnue .
 
Je hochais la tête doucement pour acquiescer.
 
« Merci … Je veux bien ... »
 
Une petite douceur faisait toujours du bien au moral , c’est ce qui se disait en tout cas .

Je souris gentiment et lui tendis la boite.

"Choisis. Y'a de tout là dedans, moldus ou sorciers, des trucs qu'on trouve pas en Angleterre..."


Je m’interrompis dans ma liste pour m'asseoir sur le tapis en face de la fille, lui tendant toujours la boite. Elle semblait malheureuse. Je ne lui demandai rien, préférant rester silencieuse, avant de finalement demander doucement :

"Comment tu t'appelles ? T'es en cinquième année, c'est ça ?"


Je l'avais croisée plusieurs fois aux tables de travail. C'est à peu près tout ce que je savais d'elle, mis à part sa timidité et son côté très "Serdaigle travailleuse". Enfin, je respectai totalement les Serdaigle travailleurs. C'est juste que je n'en faisait pas vraiment partie. En attendant, je ne savais pas trop quoi faire pour l'aider. Je ne la connaissais pas assez.

Je remerciais ma camarade , avec un faible sourire , mais un sourire tout de meme . Il ne fallait pas trop m’en demander ; et je choisis un truc au hasard . Un bonbon moldu , surement , ca ne ressemblait pas a quelque chose que je connaissais deja en tout cas , et en croquais un bout .
 
«  Merci , pour le bonbon ... Je m’appelle Maë ... Maëlyss Layn . En cinquieme annee oui . Et toi ? »
 
Je ne connaissais meme pas le prenom de la moindre personne de ma propre maison . Depuis que j’etais arrivee a Poudlard , j’etais quand meme tombee bien bas . Parfois , comme ce soir , je n’avais qu’une envie , me tirer d’ici , retrouver ma sœur Lyana dans sa bibliotheque , a m’evader dans un bon bouquin .
 
«  Desolee ... Tu ne me vois pas au meilleur de ma forme pour le coup »
 
Je devais passer pour une grosse deprimee de la vie , les yeux tout rouges d’avoir pleuré . Ca tombait mal , pour m'adresser la parole .

Je souris amicalement.


"Moi, c'est Marlène Lenoir, j'ai un an de plus que toi. J'ajoutai avec douceur : Pas besoin de t'excuser, tu sais."



Maëlyss afficha de nouveau un sourire un peu bancal, peut-être un peu plus assuré. Puis elle se leva, me remerciant pour le bonbon, puis retourna vers son dortoir, sûrement pour y aller lire ou dormir, maintenant qu'elle allait un peu mieux. Je lui lançai un dernier "bonne nuit !" auquel elle répondit alors qu'elle atteignait le pied des escaliers. J'entendis le faible bruit de ses pas sur les marches de pierre, puis le claquement des portes. Mon regard plongea dans les flammes mourantes de la cheminée. Maëlyss Layn... elle me rappelait un peu la personne que j'avais pû être, il y a deux ans ou précédemment : sûrement joyeuse et sympathique, mais renfermée sur elle-même au point de ce retrouver dans un cercle viscieux de solitude. C'était Dorea, pourtant si calme et silencieuse, qui m'avait sortie de ce cercle. Dorea, et ma propre résolution, que je devais tenir plus que jamais. Il pouvait être si difficile d'être heureux... mais je me souvenais des paroles d'un grand homme : il suffisait parfois de se rappeler d'allumer la lumière, pour voir la beauté de ce monde... enfin, la fin de phrase n'avait jamais été dite, mais pour moi elle coulait de source. Je fermai les yeux, la vision fugace des braises brûlant en négatif sur ma rétine.